Bifrost n°78 - spécial Ursula K. Le Guin

Bifrost 78 - Dossier Ursula Le Guin
Ursula K. Le Guin est une grande auteure de SF (cycle de l'Ekumen, de Hain, etc.). Mais loin de rester cloisonnée à cet unique genre, la grande dame a aussi écrit de la fantasy (Terremer), de la littérature jeunesse et de la littérature générale (Malafrena, etc.). Monument vivant de notre littérature de genre, Ursula K. Le Guin est une dame que Bifrost se devait de mettre en avant. D'autant qu'après autant de numéro, c'est la première femme à avoir son dossier spécial en leurs pages. 

Les nouvelles du Bifrost n°78

Deux nouvelles de Ursula K. Le Guin sont présents dans ce numéro. "Ceux qui partent d'Omelas" est un récit primé par le Prix Hugo en 1973 et que l'on raccrochera à l'Ekumen. Un très bon texte qui certes raconte une histoire mais joue aussi sur la narration. C'est la première chose qui marque. Ursula K. Le Guin raconte l'histoire d'une cité merveilleuse qui vit dans le bonheur, une utopie en marche au bonheur permanent. Sauf que tout bonheur a sa part d'ombre, et pour profiter de tout cela, un jeune enfant doit vivre enfermé dans un endroit ignoble et y être maltraité. Tout le monde le sait, mais c'est la rançon du bonheur. Sans compter ses personnes qui quittent la ville pour ne jamais en revenir. Le bonheur a sa par d'ombre. Un bon texte.

"Le mot de déliement" est un court récit inédit de l'auteure. Il nous propulse dans le monde de Terremer, pour un combat entre deux mages, Festin et Voll. On y retrouve l'importance de la connaissance du nom véritable et du pouvoir qu'il amène sur l'autre. Sympa mais trop court.

Pourtant, si les récits de Ursula K. Le Guin sont très bon et travaillé avec style, c'est le texte de Laurent Genefort, "Ethfrag", qui m'a mis une claque, me rappelant des récit de Christopher Priest. Allez savoir pourquoi ? La guerre, le ton détaché, quasi neutre ?
L'auteur nous emmène à nouveau sur Omale. Les humains ont créé des camps et font des expériences sur les Hodgqins, l'une des trois races présentes sur Omale. Le narrateur, en bon scientifique détaché, prend les choses avec recule. Les Hodgkins sont des sujets d'expérience. Rien de plus. Seulement, quand les humains perdent la guerre et que les Hodgkins la gagnent, les points de vue changent et notre scientifique devra faire face à la justice. Cependant, celui-ci ne voit toujours pas le mal qu'il a fait... ce n'était que de la science pour lui.
La narration de "Ethfrag" est bien ficelée. Tel un carnet de notes écrit durant une période relativement longue, on lit et voit le regard scientifique et détaché du narrateur sur la question Hodgkin : froid, détaché et analytique. En tant que lecteur, on ne peut qu'y voir une réflexion sur le racisme et la barbarie nazie. Mais cette barbarie reste encore aujourd'hui d'actualité. Les différences, qu'elles soient religieuses, politiques, ethniques ou autres sont toujours des raison de guerre et de maltraitance de l'autre. Où se trouve la compréhension ? Et quand on cherche à comprendre, faut-il encore le faire de manière empathique, sinon l'autre reste juste encore un étranger. Superbe texte de Laurent Genefort selon moi !

Dossier Ursula K. Le Guin

Jusqu'à aujourd'hui (mais je me trompe peut-être), Bifrost n'avait réalisé que des dossiers spécifiques sur des auteurs masculins. Certes, on sait que la SF est historiquement dirigée par des hommes, mais néanmoins, les femmes ne manquent pas. Et commencer avec une légende vivante est une excellente idée.

Ursula K. Le Guin est une auteure américaine réellement intéressante. Ces histoires empreintes autant à l'ethnologie qu'à la SF aventureuse. Par ailleurs, elle porte un regard critique sur nos société en nous amenant sur d'autres mondes. Ainsi, par ces écrits, l'auteure positionne des personnages à la peau sombre, met en place des sociétés matriarcales, questionne le pouvoir et les rôles, etc. Ainsi, par le jeu de la fiction, Ursula K. Le Guin ouvre le champ des possibles et nous invite d'abord à nous évader pour ensuite réfléchir. Si l'oeuvre de Le Guin se limitait à cela, ce serait déjà pas mal. Mais l'auteure est par ailleurs une dame avec une très belle plume. Sans jamais êtres surchargée ni ampoulée, elle travaille ses récits pour les rendre quasi poétiques. Il suffit de lire le début de quelques uns de ses romans pour s'en convaincre. Tout cela, sans jamais s'étendre inutilement dans un volume de page inutile. De la concision dans le récit, de la beauté dans le style, de la réflexion dans les propos et du voyage à tour de pages. Ursula K. Le Guin est une auteure importante et surement l'une des meilleures plumes que les littératures de l'imaginaire ait connu. Elle fait partie de ces auteurs qui devraient être plus connues que d'autres des grands noms. Ou au moins reconnue au même titre. Elle devrait même faire partie de lectures scolaires tant ses récits offrent les prémices de bons débats et de réflexions en groupe.

Mais revenons-en au contenu de la revue. Plutôt que d'offrir un guide de lecture habituel, Bifrost offre à Ursula K. Le Guin de bons textes descriptifs, voir d'analyse de son oeuvre. On passe au peigne fin l'Ekumen, Terremer, ses récits jeunesses et de littérature générale. On étudie la relation entre ses textes et l'anthropologie. On relit son livre d'analyse littéraire. Et on nous offre même une belle interview. Bref, ce dossier est vraiment solide. Tous les textes ne sont pas aussi bons, mais chacun est très intéressant. 

Pour le reste du contenu du Bifrost n°78

Et bien comme d'habitude, des tonnes de chroniques de livres et revues. Une interview du libraire de Bédéciné, Cathy Martin. Une analyse scientifique (sisisi) de la Force dans Star Wars et des quantité d'énergie qu'offre un sabre laser. Et quelques infos et news en vrac.

Bref, c'est dense dans ce numéro. Et très complet. Un numéro qui permettra aux fans du genre de (re)découvrir une grande auteure en lui rendant tous les hommages mérités. Il reste à espérer que d'autres femmes auront également droit à leurs dossiers spéciaux dans cette revue.




Bifrost n°78 - spécial Ursula K. Le Guin Bifrost n°78 - spécial Ursula K. Le Guin Reviewed by Julien le Naufragé on mardi, août 25, 2015 Rating: 5

2 commentaires:

  1. Merci pour ce billet :-)
    En fait, ce n'est pas le premier Bifrost que nous consacrons à une femme : les numéros 44 et 77 étaient respectivement dédiés à Joëlle Wintrebert et Mélanie Fazi. Et le 79 est consacré à un couple, Yves et Ada Rémy.

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  2. @ Erwann : Le pire dans tout ça, c'est que j'ai chroniquai celui sur Mélanie Fazi. Et je me disais qu'un dossier sur Joëlle Wintrebert serait le bienvenu chez Bifrost. La messe est dite. Je peux aller me coucher ;-)

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